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Histoire :
Chroniques 2018 julien basilisse LMG
« Julien et Basilisse : légende, symbole ou réalité ? »
Trois sources sérieuses peuvent nous aider – peut-être – à y voir clair sur les « saints patrons » auxquels la paroisse catholique de Grabels est dédiée.
La plus ancienne source est le chapitre 11 du Tome X (entièrement consacré aux martyrs de Palestine) dans l’ouvrage « Histoire ecclésiastique » (1) de l’historien Eusèbe de Césarée (vers 265-vers 340) qui fut évêque et théologien mais surtout spécialiste des martyrs sous l’empereur Dioclétien , vers 303 et 304, lors de ce qui a été désigné comme « la grande persécution » …
Plus près de nous l’édition en 1739 de « Les vies des saints composées sur ce qui … » répertoriant en 12 volumes tout ce qu’il y a de plus authentique et plusassuré dans leur histoire … de l’abbé Adrien Baillet (1649-1706), historien réputé pour sa rectitude intellectuelle (2) et qui fut le 1er biographe de René Descartes (1691) …
Et enfin au XIXème siècle un ouvrage en 17 volumes, salué et recommandé par Pie IX, publié à Paris par « les petits bollandistes » (3) sous le titre « les vies des saints par Mgr PaulGuérin et le Père François Giry » (4)
Ce dernier ouvrage collectif, constamment vérifié et enrichi en 7 éditions de 1865 à 1872, fut abondamment pillé sans être cité depuis cette époque, notamment dans un petit livre anonyme édité à Montpellier en 1920 à la Manufacture de la Charité sous le titre « Vie de Saint Julien et Sainte Basilisse, vierges et martyrs, Patrons de la paroisse de Grabels » … et dans une brochure de l’abbé Louis Jaud« la vie des saints pour tous les jours de l’année » aux éditions Mame à Tours en 1950.
Que nous dit Eusèbe de Césarée ?
Comme spécialiste des 3 premiers siècles de l’histoire de la Chrétienté et surtout des martyrs à partir de 303, il cite Julien et Basilisse parmi les martyrs de cette période indiquant même que « Julien originaire de Cappadoce (dans l’actuelle Turquie) a péri par le feu à Césarée le 16 février 310 sous Firmiliano(gouverneur et préfet romain) lors de la grande persécution … ». La datation du martyr de Julien au tout début de l’an 310 semble logique puisque les persécutions sont suspendues ou interdites par un édit de Galère le 30 avril 311 et que l’empereur Constantin par l’édit de Milan en 313 fait du catholicisme la religion de l’empire !
On aurait pu douter de toutes ces précisions à cause de ce qu’Eusèbe disait lui-même de sa méthode de travail dans le 1erTome de son œuvre au 1er chapitre. Après avoir dit qu’il emprunterait souvent à ses devanciers « même si leurs travaux sont partiels » il précise qu’il fera des choix « pour tout ce que j’estimerai profitable à mon but, je choisirai parmi les choses qu’ils rapportent çà et là comme en des prairies spirituelles ; Je cueillerai uniquement les passages utiles … » De fait il était plus « apologète »(4) qu’historien et même si c’est lui qui a recueilli la plus grande masse des informations sur les premiers siècles du Christianisme, plusieurs historiens ont douté de son honnêteté intellectuelle et ont même rectifié certaines de ses affirmations. Ainsi en 1773 Antoine-Léonard Thomas publie « Essai sur les éloges » et indique au chapitre 18 de son Tome 1 à propos de l’éloge de Constantin fait par Eusèbe « l’auteur estcet Eusèbe de Césarée, fameux par ses ouvrages et par ses vices, courtisan-évêque, historien suspect et panégyriste comme on l’était en ces temps-là … »
Et on verra ci-dessous qu’en 1872 dans un ouvrage faisant autorité et recommandé par le pape Pie IX, l’abbé François Giry et Mgr Paul Guérin donneront une autre version et une autre date pour le martyr de Julien : le 9 janvier 313, soit 3 ans après la date donnée par Eusèbe ! Qui croire ?
Que nous dit l’abbé Adrien Baillet ?
Tout est détaillé dans son œuvre en 12 volumes (un par mois de l’année) publié en 1739, dont le titre est à lui seul toute une histoire (voir le renvoi 2). Dans le volume consacré au mois de janvier aux pages 118 et 119 on peut lire « autres saints du 9ème jour de janvier au IVème siècle : saint julien dit l’Hospitalier et Sainte Basilisse, sa femme, vierges et martyrs. Parmi les obscurités qu’on a répandues (…), on entrevoit qu’ils venaient d’Egypte et non de Syrie et qu’ils vivaient au commencement du IVème siècle (…) et que l’Eglise a célébré la mémoire (…) en différents jours de l’année, selon la diversité des lieux (…) et que les martyrologues varient beaucoup à leur sujet parce que le grand nombre des saints du nom de Julien (…) a donné lieu d’errer à leurs auteurs (…) En France on lisait les actes de leur martyre à la messe de la veille de l’Epiphanie, en Espagne le lendemain (…) Leur culte est très légitimement établi (…) même par ceux qui le croient insoutenable (…) et il est fondé sur l’opinion confiante que l’on a toujours eue de leur martyre arrivé, comme on le croit, vers la fin de la persécution de Dioclétien (qui a cessé en 311)… »
A lire l’abbé Baillet, on est invité à être, comme lui, « affirmatif et prudent » ! Par contre et contrairement à ce que dit Eusèbe de Césarée, l’abbé Baillet indique que Julien et Basilisse étaient d’Egypte et non de Cappadoce.
Que retirer des 17 volumes de Mgr Guérin et du Père François Giry (et plusieurs autres co-auteurs) ?
C’est une mine de détails sur plusieurs centaines de saintes et de saints et les passages consacrés à Julien et Basilisse sont dans le Tome 1 à partir de la page 233. Les auteurs s’étonnent que Basilisse fut reconnue « martyre » sans verser son sang « et en ayant fini ses jours dans la paix et dans la prière » ! Julien, par contre, « mourut martyr en 313 à Antioche … » C’est dans ce Tome 1 qu’on retrouve ce qui est répété partout : que les parents de Julien et Basilisse étaient « illustres selon le monde et chrétiens vertueux » ainsi que de familles aisées … et que les jeunes époux décidèrent de rester vierges et de donner leur vie pour les pauvres et les démunis …
Quelles sont donc nos certitudes ?
Elles sont faibles et il y en a peu ! Il s’agit bien d’un jeune couple ayant vécu dans la sainteté au début du IVème siècle mais leur lieu de naissance n’est pas certain (ou l’Egypte, ou Antioche en Syrie ou Cappadoce en Turquie) … l’identité de Julien n’est pas sûre (est-ce lui « l’Hospitalier » ? Une bonne vingtaine de saints porte son prénom). Cependant tous les auteurs consultés indiquent que Basilisse mourut dans la paix et la prière … que Julien « était en pèlerinage » et mourut par le feu soit en 310, soit en 313, soit avant 311 ! Quoi qu’il en soit, il faut vraisemblablement retenir la date la plus ancienne (310 ?) puisque les persécutions sont suspendues depuis l’édit de Galère le 30 avril 311. Le lieu du supplice (Césarée ou Antioche ?) n’est pas prouvé à ce jour et selon nos sources. Ceci étant leur culte est bien réel et bien ancien.
Mais alors d’où vient le culte à ce jeune couple ?
Vérifications faites le culte de Saint Julien et Sainte Basilisse s’est répandu dans tout l’Orient, puis en Italie et en Espagne bien avant le VIIIème siècle. Puis, Charlemagne constatant que les campagnes de la Septimanie (futur Languedoc) étaient réduites à l’état d’horribles déserts (6) par les multiples razzias franques depuis Charles Martel en 732, va appeler des wisigoths catholiques espagnols pour repeupler et christianiser notre région. Et dès lors le culte de ces deux saints apparaît dans des dizaines de paroisses depuis la frontière espagnole jusque dans notre région … et, près de nous, d’abord à Juvignac (qui a été l’Eglise-mère) puis à Celleneuve et enfin à Grabels et Combaillaux en remontant la vallée de la Mosson.
Mythe, symbole ou réalité ?
Seuls les vrais croyants pourront peut-être répondre à cette interrogation puisque comme disait Mark Twain (7) « la Foi c’est croire quelque chose dont on sait que ce n’est pas vrai » et que, comme le confirmait Philip K. Dick (8) « la réalité c’est ce qui, quand on cesse d’y croire, ne s’en va pas ».
LMG janvier 2018.
(1) Cette « Histoire ecclésiastique » en 10 volumes (parfois dénommée « Histoire de l’Eglise » par certains traducteurs) a été traduite pour la 1ère fois du grec au français par Emile Grapin curé doyen de Nuits (Côte d’Or). Les volumes IX et X ont été réédités en 1913 aux éditions Auguste Picard 82 rue Bonaparte à Paris.
(2) Titre exact : « les vies des saints composées sur ce qui nous est resté de plus authentique etde plus assuré dans leur histoire et disposées selon l’ordre des calendriers et des martyrologes avec l’histoire de leur culte selon qu’il est établi dans l’Eglise Catholique » . Cet ouvrage a été édité en 1739 après le décès de son auteur aux éditions Estienne-François Savoye, rue Saint Jacques à Paris.
(3) Bollandistes : société savante composée de jésuites fondée à Anvers (au 17ème siècle par Jean Bolland, historien jésuite) pour étudier et diffuser la vie de tous les saints. Cette société savante existe encore de nos jours et ses archives sur ce sujet sont volumineuses !
(4) Ouvrage édité en 1876 chez Bloud et Barral 30 rue Cassette Paris
(5) Apologète ou apologiste : dont la mission est de « promouvoir et défendre » sa religion au risque, souvent, de quelques approximations, omissions ou « vérités amoindries » ! Par ailleurs très proche de l’empereur Constantin, il n’hésita pas à le magnifier plus que de raison (voir les écrits de Antoine-Léonard Thomas en 1773)
(6) Voir les détails dans « Histoire du Languedoc-Roussillon » de Emmanuel Le Roy-LadurieQue sais-je N° 958. 4ème édition aux P.U.F. 1982. Ouvrage dans les archives de Lou Dragàs.
(7) Mark Twain : 1835-1910, écrivain humoriste et satiriste américain.
(8) Philip K. Dick : 1928-1982, le plus célèbre romancier américain de science-fiction.
Qu’est-ce que le Feu de la Saint Julien ?
C’est la manifestation qui est le pendant populaire et profane du culte religieux qui est rendu par l’Eglise catholique aux « saints patrons » de la paroisse. Et suivant les époques ou les évêques successifs, le Feu se déroulait la veille ou le lendemain de la fête religieuse officielle !
Depuis le IVème siècle nous savons grâce aux écrits de l’abbé Baillet (1) que l’Eglise Catholique fêtait Julien et Basilisse le 9 janvier. Ce qui fut confirmé à Grabels le 14 novembre 1699 par Mgr Charles-Joachim Colbert lors de sa visite pastorale. Une note du vicaire Pierre Estève (2) précise que la fête des patrons de la paroisse sera bien (suite aux injonctions de l’évêque) « au neuvième jour du mois de janvier, le jour propre et véritable de leur fête dans le calendrier et martyrologe romain ».
Il semble que – de très longue date -- le Feu magnifiant ce culte eut d’abord lieu le 7 janvier puis le 8 janvier dates qui furent longtemps considérées comme celles de la fête des saints patrons. D’ailleurs Mgr François de Bosquet, data le procès-verbal de la consécration (3) de l’église le 7 janvier 1667 pour bien signifier « que la feste desdits patrons dudit Grabels se rencontre ledit jour 7ème de janvier ! » Mais on vient de voir que Mgr Charles-Joachim Colbert, trente ans plus tard, replaça au 9 janvier cette date mais sans parler du Feu ! A qui se fier ?
Quoi qu’il en soit la tradition du Feu n’est arrivée qu’au XIIème siècle puis est tombée en désuétude jusqu’à cette date de 1699 et s’est effacée à nouveau pour ne ressurgir que de temps à autre notamment à Grabels (4) : un immense brasier était dressé soit aux Ayres, soit au Bassin, ou devant la Coopérative et très rarement devant l’église pour des raisons de sécurité !
Naguère, après le souper, tous les habitants chantant des cantiques venaient en procession sur le lieu du Feu … et quand le Curé avait béni le pin embrasé, les plus âgés repartaient laissant la place aux farandoles, danses et grillades jusque tard dans la nuit …
C’est Lou Dragàs qui a relancé cette tradition en 1993.
(1) Adrien Baillet (1649-1706) prêtre et historien réputé pour sa rectitude intellectuelle et qui fut le 1er biographe de René Descartes (1691). Sa « vie des saints » (en 12 volumes) a été publiée après sa mort en 1739 éditions Estienne-François Savoye, rue St Jacques à Paris.
(2) Cette note manuscrite sous la signature du vicaire Pierre Estève est dans le registre « des baptêmes, mariages et mortuaires » à l’année 1699.
(3) De 1621 à 1666 les catholiques grabellois vivaient les offices dans une grange recouverte de roseaux l’église ayant été détruite par les protestants montpelliérains. Reconstruite l’église fut « consacrée » à nouveau en janvier 1667. Voir tous les détails de ces aventures aux pages 51, 52 et 53 dans l’ouvrage « Grabels oasis des garrigues » 80 pages aux éditions Maury 45330 Malhesherbes en 2014 sur 900 ans d’histoire de Grabels.
(4) Voir les détails sur le déroulement du Feu, son installation, les processions qui y conduisaient, les danses en farandoles, les grillades sur les braises … aux pages 26 et 27 dans la brochure « Croix, processions, chemins de croix » 61 pages quadrichromies éditée par Lou Dragàs en 2012.